L'équipe d'Indiana ce faisant des checks pour se féliciter alors que l'équipe de Detroit a demandé temps mort

L’étrange stratégie offensive d’Indiana.

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Comme toujours après les belles victoires de la part d’Indiana, je fais toujours durer le plaisir en écoutant l’interview post-match de Rick Carlisle, histoire de l’entendre dire que tout va super bien et que l’équipe a trop bien joué ; ça fait du bien au moral ! Mais pendant que je commençais à m’endormir devant, une de ses phrases m’a réveillé. Cette phrase c’est la suivante :

« Nous avons joué rapidement et… Aléatoirement. Vous savez.. on peut être une équipe difficile à jouer »

En soit rien de bien particulier, mais il y a ce mot qui m’a surpris : « aléatoirement », déjà parce que c’est pas le mot que je m’attends à entendre de la part d’un coach surtout pour raconter pourquoi son équipe a gagné, mais surtout parce que c’est la première fois que j’entends Carlisle le prononcer. Or pour moi, c’est un point si ce n’est le point le plus important de la stratégie offensive d’Indiana : l’aléatoire.
Pour preuve, j’évoquais déjà ce point dans mon article « Rick Carlisle, la star du petit écran », sorti à peine un mois après le début de saison. Après une petite période creuse sur le site, je pense que prendre le temps de développer la stratégie de l’aléatoire serait une bonne manière de reparler de cette équipe ici.

Aléatoirement, qu’est ce que ça veut dire ?

Commencez par vous demander : quelles sont les actions typiques de la saison coté Indiana ? Celles qu’on voit plusieurs fois par match, ces systèmes souvent utilisés par Carlisle ? Si vous peinez à trouver une réponse, je vous rassurerai en vous disant qu’en réalité, il n’en existe presque aucune. Et c’est très surprenant, puisque c’est souvent ce qu’on va attendre d’un coach en nba : qu’il mette en place des systèmes fiables et des actions à haut pourcentage de réussite. Là on a l’impression que cette équipe d’Indiana joue sans trop de consignes.

Pourtant, dans ma carrière de supporter de cette équipe j’ai connu 3 coachs : Nate McMillan, Nate Bjorkgren et Rick Carlisle, et je peux dire haut et fort que sous Nate McMillan, cette équipe jouait très souvent (trop souvent) aléatoirement et sans aucunes consignes, surtout sur les fins de match, et que ça n’a jamais vraiment marché alors qu’est ce qui change ici ?
Pour faire simple, voici un extrait du match d’hier :

Aaron Nesmith pose un faux écran pour Haliburton, puis Myles Turner pose un vrai écran que Tyrese refuse pour attaquer le panier, and-one.

Cette action est un bon exemple du concept d’aléatoire théorisé par Rick Carlisle : une configuration définie, ici Tyrese Haliburton balle en main, ainsi que deux poseurs d’écrans, et derrière tout est aléatoire. Il est là le changement qui fait la différence, les joueurs des Pacers ont tout un lot de configuration prédéfinies ou très classiques qu’ils peuvent lancer selon leur gré, et c’est après qu’intervient l’aléatoire.
Regardez ici, faux écran de Nesmith qui ne sert honnêtement à rien, puis un autre écran de Myles Turner qui ne sert aussi à rien, mais pourtant ça marche, Tyrese se retrouve grand ouvert seul dans la raquette en 1 dribble. Isolée, cette action parait totalement absurde, voire même débile ; mais c’est la base du jeu d’Indiana.

Si ça marche, c’est parce que dans cette configuration très simple, une dizaine d’issues sont possible : entre un faux écran d’un joueur ou des deux, un vrai écran pris ou évité, un tir de loin, un main à main, un pick n roll, un pick n pop… C’est tout un univers des possibles qui s’ouvre pour Indiana à partir d’une configuration aussi simple que celle-ci ; le secret est juste de ne jamais faire 2 fois la même option (ou presque). Les défenses ne peuvent pas savoir comment réagir si elles ne savent pas ce qui les attend.

Regardez cette autre action dans une configuration presque similaire :

Myles Turner pose un écran que Tyrese Haliburton refuse en partant de l’autre coté, sauf que cette fois-ci Haliburton rend le ballon à Myles seul à 3 points qui rentre le tir.

Voyez ici, cette seconde action est vraiment similaire : la configuration est presque la même sauf qu’on enlève Aaron Nesmith, encore une fois Haliburton évite l’écran mais cette fois ci changement de plan et la balle est rendue à Myles qui plante le tir.

Cependant le concept d’aléatoire n’est pas forcément incompatible avec l’improvisation non plus, et c’est un point qui rend cette stratégie tout aussi intéressante : voyez cette action ci-dessus de Tyrese, cet écran évité pour finalement resservir Myles ; elle sera répétée coup pour coup 3 fois en l’espace de 3 minutes lors de ce match, menant à 3 paniers de loin facile pour Myles. L’idée c’est de jouer sans vraiment de plan de jeu défini en changeant à chaque fois, mais c’est pas pour autant que l’équipe doit renoncer à des occasions faciles : tant que ça marche il ne faut pas se priver.

La vraie idée cependant dans cette stratégie de l’aléatoire contrôlé si on peut dire va être de multiplier les configurations de base, et de changer constamment d’issue en en modifiant certains paramètres : un joueur coupe au lieu de poser un écran, le porteur de balle change de direction, une feinte est effectuée pour leurrer la défense, autant de possibilités pour un objectif, que les défenses adverses ne sachent jamais ce qu’il va se passer.

Tyrese Haliburton vient jouer le main à main avec Jalen Smith qui coupe vers le panier juste après, cependant Haliburton passe pour Aaron Nesmith, qui trainait discrètement

Maintenant, pour optimiser l’aléatoire, Indiana fera toujours en sorte de multiplier le nombre d’issues possibles : en faisant en sorte qu’il y ait toujours à n’importe quel moment, dans n’importe quelle configuration, au moins plusieurs options possibles, histoire de pouvoir encore plus mixer les issues, changer et devenir encore plus imprévisible. En réalité c’est sûrement là que ce concentre le plus gros du travail de Carlisle : inculquer aux joueurs le sens du placement, des rotations et faire en sorte que les joueurs se retrouvent toujours dans leurs zones de confort tout en gardant des déplacements fluides et imprévisibles.

Faire de l’imprévisibilité une force

Il y a beaucoup d’avantages à être imprévisible, premièrement, si bien exécuté, cela bloque quasiment toute tentative d’adaptation chez les défenses adverses. On peut penser à la saison dernière ou 80% de l’attaque commençait tout le temps par Tyrese Haliburton balle en main. Ici on s’éloigne un peu du concept d’aléatoire et s’adapter devient bien plus facile : faire en sorte que Tyrese Haliburton ne touche jamais le ballon.
Cette saison, tout le monde joue balle en main, coupe ou pose des écrans (même Andrew Nembhard), mais surtout le ballon ne s’arrête jamais : peut être que la première configuration ne donnera rien mais que le ballon ressortira pour un joueur qui profitera d’un décalage pour attaquer dans ce qui est en soit une nouvelle configuration. Répétez ça autant que nécessaire et le nombre d’issues est démultiplié… Encore faut-il toutes les exploiter si l’on veut être le plus aléatoire et le moins prévisible possible !

Mais jouer aléatoirement c’est surtout une stratégie gagnante, quand tu peines à avoir ces actions « à haut pourcentage », un reproche assez symptomatique de cette équipe d’Indiana où individuellement le talent offensif peu manquer. C’est ça qui sépare sûrement Indiana des contenders au titre cette saison, ces équipes là n’ont pas besoin de se reposer sur l’incertitude : personne n’arrive à arrêter des Giannis, Jokic ou autres Shai. Le jeu de ces équipes repose autour de leurs stars, coté Indiana ce n’est pas encore suffisamment viable.
Changer constamment d’issues à ses actions permet à Indiana de responsabiliser bien plus les joueurs de rotation ou role players de l’équipe : c’est pour cela que Myles Turner a aussi un rôle prédéterminant en attaque, pareil pour des Aaron Nesmith, Obi Toppin ou Jalen Smith. Le fait que ces joueurs moins importants ne refusent pas les tirs et utilisent la totalité de leur attirail offensif est absolument primordial pour créer un jeu imprévisible et aléatoire. Mais d’un autre côté cela veut dire moins se reposer sur ses stars et c’est aussi à prendre en compte.
On voit récemment Indiana revenir un petit peu en arrière sur cette stratégie, en notamment faisant bien plus jouer Pascal Siakam sur isolation : bien moins imprévisible mais extrêmement efficace. Et il est probable que cette stratégie d’Indiana de jouer aléatoirement tende à se réduire et à se mélanger dans une stratégie hybride mélangeant actions à haut pourcentages de Siakam, Haliburton, Mathurin… et jeu aléatoire ; ce qui est à peu près le plan de jeu idéal chez les grosses équipes à la hiérarchie établie.

En attendant, cette bien étrange stratégie montre qu’elle porte ses fruits, bien aidé par un effectif profond et polyvalent qui peut à peu près tout faire, et où tout le monde sait tirer, dribbler et passer ; menant Indiana sur les sommets des ratings offensifs sans clairement de force offensive clairement majeure, et ce même avant l’arrivée de Siakam. Il faut bien reconnaitre que Carlisle aura prouvé cette saison qu’il savait innover et sortir de sa zone de confort, maintenant, on va être curieux de voir comment il adapte ou non cette stratégie en playoffs ou au playin !

Regarde les Pacers la nuit, écris le jour, domirai demain. C’est moi qui gère le site web et les réseaux sociaux du projet. Queer.